GMC chevrolet type »J »
La péniche.
C’est dans la cour d’une entreprise, entre quelques camions, une grue et un chargeur que nous avons aperçu la grosse bête rouge. Le fond des cours de transporteur étant souvent transformé en cimetière pour tas de ferrailles, et celle-ci n’échappant pas a la règle, nous ne savions pas si l’animal vivait encore.
Nous procédons donc a un examen rapide de son aspect général.
Son état : propre mais pas collection, les traces de terre dans les passages de roues et la présence de bidons d’huiles entreposés dans le coffre nous rassurent : Elle doit rouler !..
Mais la bête encore endormie est-elle mâle ou femelle ? Pour le vérifier, nous osons un rapide coup d’œil entre les roues avant du véhicule : Oui !, quel bonheur de constater que nous sommes en présence d’un spécimen bien viril puisque équipé d’un pont avant.
Il n’est maintenant plus question de laisser s’échapper ce dinosaure…
Nous devrions en apprendre davantage au bureau situé dans la cour :
Il s’agit du véhicule de » Jean-Mau « , le patron de l’entreprise, et la dame qui nous apporte les renseignements se trouve être sa femme.
Elle nous apprend en quelques minutes que l’engin à été acheté au mois de mai 2001 en remplacement d’un vénérable Cherokee qu’elle a cassé sur l’autoroute.
Pour le reste, pas de précisions particulières, elle sait que c’est un V8, qu’il est diesel et que son mari en est amoureux. Pourtant on ne ressent pas de jalousie dans ces propos. Mais, quand on lui demande ce qui a motivé un tel choix, elle esquisse un large sourire et nous répond : Un rêve de gosse !
Pour en savoir plus, il nous faut attendre patiemment le vendredi suivant.
Le rendez-vous est fixé sur un terrain privé en lisière de foret. Les pluies des quelques derniers jours ont gonflé la glaise et les rayons du soleil ont du mal à traverser l’épaisse couche de feuillage. Prudence en descendant de la voiture. Heureusement que nous avons troqué depuis longtemps nos mocassins vernis contre des chaussures à crampons.
Au bout de quelques minutes, le ronron feutré d’une péniche se fait entendre à l’horizon. Le bruit lent et sourd semble venir vers nous, pourtant, je n’ai pas le souvenir d’avoir longé ni enjambé le canal.
Mais, si le bruit est celui du bateau, le véhicule qui nous arrive dessus emprunte bien le chemin. » Jean-Mau » s’arrête à notre hauteur et descend de la voiture, non du camion, du 4×4, de la camionnette. Bref, il descend du monstre rouge dont le capot nous arrive à la poitrine. Premier contact avec le propriétaire. Le gaillard est solide. La chemise à carreaux, le mètre 85 et la carrure bûcheron nous transposent de suite au Texas ou au Canada. On repense à l’expression qui se ressemble s’assemble et le choix d’un tel véhicule ne nous choque plus. On est dans le ton.
Oubliés les quelques mots de présentation on est déjà dans le vif du sujet. Le capot est ouvert et on admire le moteur qui semble si petit dans un tel espace. Pour l’instant je ne vois rien, évidemment, avec un mètre soixante dix sous la toise, j’arrive tout juste à hauteur du bouchon de radiateur !
La conception est classique et augure d’une grande fiabilité. Nous sommes face à un V8 de 6,2 litres de cylindrée qui ne développe que 132 chevaux. Y’a de la marge avant de serrer.
Rapide inspection des dessous de la dame. Châssis à échelles, ressorts à lames et ponts rigides le tout dans des proportions généreuses. C’est du costaud ça mon gars !
On passe à l’intérieur. Je m’assieds au volant face à une planche de bord tres sommaire. Pas de compte-tours, peu de témoins et les interrupteurs de black-out nous confirment l’origine militaire de la bête. Boite auto américaine oblige, le levier de commande est au volant, et l’enclenchement du crabot est un plancher. Éprouvé mais fiable.
Derrière, on dispose d’une large banquette qui pourrait accueillir une bonne demi-douzaine de pin-up de boite de nuit. Dans notre cas, on y trouve des flexibles hydrauliques et des bidons d’huile : Tant pis.
Le coffre est grand et large, surmonté d’un hard-top en tôle démontable pourvu que l’on veuille bien s’en donner la peine.
» Jean-Mau » nous raconte qu’il a toujours rêvé de ce genre de véhicule. Surtout pas pour la frime, mais pour le plaisir de rouler dans un engin animé par un bon gros V8 US. C’est le souvenir des » Ricains » à la libération… Ses premiers tours de roue, il les a faits à 14 ans au volant d’une willys, laissée dans le village en 1945 et retapée par son père. C’est toute une histoire qui remonte fort loin et qui ne l’a jamais quitté, alors vous pensez bien, quand il a découvert le véhicule dans une prairie, avec de l’herbe qui poussait dessus…
Et puis, n’imaginez pas que ce n’est que pour le plaisir. Non mais alors ce choix est tres raisonné : Son activité de terrassement lui impose fréquemment de devoir accéder à des chantiers en plein champ, ou en foret. Rien de tel qu’un 4×4 pour ce genre de mission.
Parallèlement, les problèmes qui surviennent sur les engins doivent êtres réglés sur place. Il faut donc un véhicule capable d’acheminer des roues de 150 kgs et de 1,20 mètres de diamètre au travers de bourbiers. C’était le Chevrolet ou un mulet. Vous auriez fait quoi a sa place ?
Apres nous avoir convaincu, le passionné qu’il est saute dans son engin pour » une petite démonstration « . Alors là, faites de la place et ouvrez grand vos yeux. Non pas trop quand même, vu le couple appliqué aux roues arrière vous risquez de prendre des projections. L’engin vire sur place d’une simple accélération Il suffit que son pilote caresse l’accélérateur pour effectuer un demi-tour sans même toucher a la direction. Impressionnant vu le gabarit de l’engin. Habitué à ce genre de cabrioles, » Jean-Mau » nous gratifie de 4 tours consécutifs sans même devoir faire hurler le moteur. On a l’impression que les roues avant sont fixées au sol. Seul l’arrière pivote. La valse du V8 !
Le moteur qu’on croirait au ralenti emmène maintenant la bête vers une butte raide et bien grasse. N’étant qu’en deux roues motrices, les général Grabber MT en 31×10,5×15 commencent à perdre le grip. On imagine mal la suite : une légère courbe en dévers et les arbres dans le fond ne nous disent rien qui vaille en cas de marche arrière. Mais c’est sans compter sur l’entêtement du conducteur et les capacités du véhicule. Le moteur prend des tours, mais ne fume pas, les pneus patinent et fument, et le couple démoniaque de l’engin aidé par le boite automatique finissent par le hisser au sommet. On m’aurait demandé mon avis, je donnais les arbres gagnants à 10 contre 1.
La suite, c’est une enfilade de bosses et de descentes toutes négociées sur le couple du moteur. Franchement ni les marches, ni les croisements de ponts et les raidillons bien gras ne semblent pouvoir arrêter ce 4×4. La puissance disponible à bas régime et la boîte automatique lui permettent de s’extraire de toutes les situations pourvu qu’il y ait suffisamment de place pour passer entre les arbres.
Avec une telle inertie, aucun obstacle ne lui parait infranchissable. Pour preuve, lors de notre essai, il sera passé partout. Tant mieux d’ailleurs, je m’imaginais mal pousser une masse de 2 Tonnes coincée dans un trou.
Bien évidemment, ce n’est pas une bête de trial, son gabarit lui interdisant cette discipline, mais c’est un fabuleux outil pour franchir différent. Voilà, après nous avoir régalé de belles images, » Jean-Mau » descend de son 4×4, un sourire d’enfant aux lèvres. C’est que le gosse devait rêver !
Ayant constaté la vulnérabilité de son engin dans les bourbiers profonds qui sont légions par chez lui, » jean-Mau » va remplacer les pneus en 31 par des 33×12.50×15 offrant quelques centimètres de garde au sol supplémentaire. Qu’on se rassure, le moteur arrivera à les emmener.
Apres ces quelques instants de bonheur, nous nous quittons, avec la certitude de se revoir bientôt pour pousser la machine plus loin encore.
FICHE TECHNIQUE
Moteur :Chevrolet Type » J » 8 cylindres en V à 90°
Diesel atmo, pompe à injection mécanique
Cylindré : 6200 cm3
Puissance maxi : 130 ch à 3600 t/mn
Couple : 33 m/kg à 2000 t/mn
Transmission : Boite automatique à 3 rapports, transmission
permanente aux roues arrières, pont avant enclencher par levier au plancher, moyeux avant débrayable manuellement.
Transfert : réduction 2 à 1
Longueur : 4,70 mètres – Largeur : 2,02 mètres – Poids a vide : 2 tonnes.