Nous avons déjà vu, que depuis toujours, les hommes ont tenté de mieux cerné les mystères de notre planète et de modéliser ses caractéristiques sous forme d’équations mathématiques.
Il s’agissait surtout de mathématiciens, mais d’autres hommes, tentaient d’obtenir la représentation la plus fidèle de notre bonne vieille Terre : il s’agissait des cartographes.
Les cartes anciennes révèlent le monde d’imperfections que ces hommes ont, peu à peu, réussi à maîtriser pour obtenir la qualité des cartes qui nous accompagnent aujourd’hui dans tous nos voyages.
Sur ce thème, il existe une véritable problématique : comment représenter sur un » aplat » la forme de la sphère ou plutôt de l’ellipsoïde Terrestre. Que ceux qui n’y voient pas malice, essaient de déplier la peau d’une orange ou d’une mandarine sans la massacrer au point de ne plus pouvoir en reconnaître les formes initiales… ce n’est pas facile. C’est pourquoi, les cartographes ont du inventer le principe de la projection, qui permet, en élargissant artificiellement les méridiens tout au long de leur parcours, une représentation plus lisible de la carte.
Mais nous verrons cela plus tard, pour le moment admirons ces hommes qui, par le passé, ont dédié leur vie à cette fantastique besogne : la représentation de notre sol.
La famille Cassini
Parmi tous ces véritables passionnés du mystère de la planète, il faut citer les Cassini qui, de père en fils, pendant quatre générations, ont réalisé une œuvre commune peu banale :
la première carte précise et détaillée de la France.
• Le premier de la dynastie fut Jean-Dominique, dit Cassini I. Né en Italie en 1625, c’était un astrologue, spécialiste des étoiles, que le Roi-Soleil fit venir en France pour diriger l’Observatoire de Paris. Naturalisé français, il commença de mesurer le pays avec l’abbé Picard, entre Amiens et La Ferté-Alais. Il mourut en 1712, à l’âge de 87 ans.
• Jacques, dit Cassini II, nait à Paris en 1677. Il continue les mesures de son père vers le Nord et vers le sud mais toujours sur le méridien. Ainsi, il entreprit, à travers toute la France, la mesure d’un réseau de mille triangles, dont les sommets étaient autant de points de repère, pour pouvoir dessiner plus tard une carte : des sommets, des moulins, des tours, et des clochers.
• César François, dit Cassini III, ou Cassini de Thury (car né à Thury en 1714), acheva l’observation et le calcul des triangles. En s’appuyant sur ces trois mille points de repère, il put ainsi commencer pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une carte exacte et détaillée de tout un pays, mais il mourut en 1784 avant de l’avoir terminée.
• Jacques Dominique, dit Cassini IV, né à Paris en 1748, vécut, lui, 97 ans et put achever la fameuse carte qui porte encore aujourd’hui le nom de cette illustre famille. Mais ce ne fut pas sans mal car il traversa une période particulièrement troublée de l’histoire de France : Louis XVI, la Révolution, le Consulat, l’Empire, la Restauration… Il connut même la prison et échappa de justesse à la guillotine !
Les Cassini ont dessiné tout le Royaume de France sur 180 feuilles de papier grand-aigle (75 x 105 cm environ), et cela leur prit plus d’un siècle.
Une fois gravées sur cuivre et imprimées sur papier parchemin, ces 180 cartes de Cassini assemblées composent une France miniature de onze mètres cinquante sur onze mètres cinquante, au lieu de mille kilomètres sur mille dans la réalité.
Quand Cassini de Thury entreprit la carte, avant la Révolution, le système métrique n’existait pas encore et on utilisait encore les anciennes mesures de longueur. Ainsi, une ligne sur la carte représentait cent toises sur le terrain. Aujourd’hui on dirait plutôt : un centimètre sur le papier correspond à peu près à 864 mètres dans la nature.
L’IGN propose à ceux que cela intéresse des tirages de ces cartes réalisés d’après les cuivres originaux, religieusement conservés (3615 IGN ou www.ign.fr)
La fameuse carte d’État-Major
Au XIXème siècle, une nouvelle œuvre fut entreprise. Elle fut levée sur le terrain par les officiers du corps d’État-Major dont le nom est resté attaché à ces cartes célèbres: les cartes d’État Major. Elle utilisa une nouvelle triangulation et le système de projection de Bonne (un système de projection équivalente qui conserve la vérité des surfaces).
Bien que les travaux furent étalés de 1818 à 1881, toutes les feuilles qui la composaient semblaient dater de la même année. Il faut dire qu’elles ont été gravées sur cuivre par les meilleurs artistes de l’époque.
Une fois assemblées, ces 267 cartes d’État-Major composent une France miniature de douze mètres cinquante sur douze mètres cinquante
La carte IGN au 1/25 000ème
Pour se promener à pied, à cheval, à VTT, à moto ou 4X4, il existe aujourd’hui les cartes de randonnée de l’Institut Géographique National, dix fois plus détaillées que les vieilles cartes d’État-Major du siècle dernier:
A cette échelle, un centimètre sur le papier correspond à 250 mètres dans la nature.
Une fois assemblées, les deux mille pièces du puzzle que forme la Série Bleue, composent une France miniature de quarante mètres sur quarante, de Brest à Strasbourg et de Dunkerque à Perpignan… Toutes les constructions, toutes les voies de communication, jusqu’au moindre sentier, y sont dessinées.
Pour réaliser ce travail de fourmi, l’IGN a commencé par établir un réseau de milliers de points de repère répartis dans toute la France : les BORNES IGN. La position de ces 80 000 points géodésiques a été observée avec des appareils de visée, appelés théodolites, et calculée au centimètre près, grâce à d’énormes ordinateurs scientifiques. Aujourd’hui on utilise le système GPS de positionnement par satellites et on s’intègre dans des réseaux européens et même mondiaux.
De même, plus de 350 000 repères de nivellement ont été posés, de proche en proche, le long des voies de communication, à partir du niveau zéro donné par le marégraphe de Marseille (maintenant assisté par ordinateur), point de référence de toutes les altitudes du territoire.
La cartographie moderne
Aujourd’hui, l’ensemble du territoire est photographié en moyenne tous les cinq ans par l’IGN.
Les photos sont prises à la verticale et, grâce au chevauchement entre les clichés, on peut les observer en stéréoscopie (vision en relief du paysage que l’on obtient en installant un couple de photos aériennes de la même zone dans un appareil de restitution).
Toute l’information géographique visible sur les photos est alors enregistrée sous forme numérique par un opérateur. Il alimente ainsi la gigantesque Base de Données Topographiques de la France.
Une première image de la carte peut alors être générée mais elle doit encore être complétée sur le terrain par le topographe.
En effet, la photo aérienne est insuffisante en elle-même car elle est trompeuse, parfois obscure et toujours muette :
Après de nombreuses corrections sur écran, le système MERCATOR(1) (un système de cartographie automatique utilisé à l’IGN) génère enfin les films nécessaires pour imprimer les différentes couleurs de la carte.
1) Mercator était un géographe Flamand qui a inventé, voici plus de 400 ans, une façon de dessiner à plat la sphère Terrestre sur le papier.
2) La projection cylindrique de Mercator est toujours en usage pour les planisphères mais pour les cartes de France on emploie, à l’IGN, la projection conique de Lambert, mieux adaptée à notre pays.
Utiliser la carte
Une carte doit se lire comme un livre. Cette feuille de papier est bien plus que la simple représentation d’un paysage. Avec un peu d’expérience et de réflexion, vous pouvez y lire jusqu’à la direction des vents !
Pour savoir tirer le maximum d’une carte, il faut bien saisir ce que sont son échelle et le mode de représentation du relief.
Montons à l’échelle
L’échelle de la carte exprime le rapport existant entre les distances reportées sur la carte et les distances relevées sur le terrain lui-même.
II existe des cartes à toutes les échelles. En France, on a ainsi la carte générale représentant l’ensemble du pays au 1:1.000.000. Cette carte peut privilégier soit le relief, soit le réseau routier… en fonction des utilisateurs à qui elle s’adresse.
II y a aussi les cartes spécialement prévues pour se déplacer en voiture. Ce sont essentiellement les cartes au 1:200.000 ; une échelle qui permet de suivre sa route sans avoir à déplier trop de papier.
Pour l’approche plus détaillée de la région où on se trouve, pour se déplacer à vitesse moyenne (VTT, Moto, 4X4…), l’échelle du 1:100.000 est idéale.
A pied, on utilise le 1:50.000 quand on suit des sentiers. Mais, s’il faut couper au plus court, le 1:25.000 est nécessaire pour repérer les moindres éléments du relief.
On serait tenté de croire que plus une carte est détaillée du fait de son échelle, meilleure elle est. Ce n’est pas vraiment exact. En effet, pour se repérer, on a souvent besoin de visualiser sur la carte une grande zone géographique : une chaîne montagneuse, par exemple. Or, déployer en plein air – pour ne pas dire en plein vent- une carte, n’est jamais facile.
De même, pour planifier un déplacement sur une longue distance, et donc en plusieurs étapes, il n’est pas commode de travailler sur une surface de papier immense.
Habituellement, on prépare sa route sur une carte d’échelle moyenne, et on utilise sur le terrain des cartes plus ou moins détaillées en fonction de la morphologie du paysage et des difficultés d’orientation.
Comment interpréter l’échelle d’une carte ?
C’est très simple: L’échelle d’une carte terrestre est généralement donnée selon 2 méthodes :
Échelle des rapports.
La méthode habituelle est celle des rapports : ex 1/25 000ème qui signifie que les dimensions représentées sur la carte ont été divisées par 25 000. C’est à dire qu’un centimètre de la carte équivaut à 25 000 centimètres sur le terrain.
Ainsi une distance de 1 KM sur le terrain équivaut à:
• 1 kilomètre = 1000 mètres = 100 000 centimètres.
• 100 000 centimètres : 25 000 = 4.
• donc 1 kilomètre sur le terrain valent 4 centimètres sur la carte.
Pour apprécier la valeur de l’échelle de la carte, une rapide évaluation consiste à enlever autant de zéros qui séparent l’unité de mesure sur la carte et la réalité sur le terrain.
Par exemple, pour une échelle au 1/1 000 000.
1 cm sur la carte donne 1 000 000 de cm sur le terrain
soit 10 000 mètres (on a enlevé 2 zéros)
soit 10 kilomètres (on a enlevé 5 zéros)
Équivalences à retenir.
Sur une carte à l’échelle de 1/1 000 000, 1 cm correspond à 10 km.
• de 1/500 000, 1 cm correspond à 5 km.
• de 1/250 000, 1 cm correspond à 2,5 km.
• de 1/100 000, 1 cm correspond à 1 km.
• de 1/50 000, 1 cm correspond à 500 mètres.
• de 1/25 000, 1 cm correspond à 250 mètres.
Échelle centimétrique.
La méthode centimétrique met en œuvre une représentation graphique sous forme de règle juxtaposant les unités kilométriques de la réalité aux unités centimétriques utilisées sur la carte.
Entrons dans la légende
Les symboles de la Planimétrie (figuration de tous les détails d’une carte) sont généralement résumés au sein d’un encart expliquant leur signification.
Sur la légende d’une carte topographique, tous les éléments d’importance sont indiqués: maisons, lavoirs, sources, fontaines, puits, arbres remarquables, téléphones isolés, refuges, abris pour la nuit, passages délicats sur les sentiers, etc.. Les curiosités intéressantes et certains points de repère dans le paysage sont également signalés. Autant d’éléments forts utiles lorsqu’il s’agit de se situer.
On trouve aussi des informations précieuses sur l’échelle de la carte, la déclinaison entre le Nord magnétique et le Nord de référence utilisé par le cartographe au moment où il l’a réalisée.
De plus, des informations très importantes vous sont révélées:
• Nature de l’ellipsoïde employé (C’est le mode de calcul des distances, compte tenu de la représentation à plat de la planète. C’est généralement l’ellipsoïde de Clarke.)
• Mode de projection retenu (C’est la nature du système graphique retenu pour mettre à plat l’ellipsoïde. En France, c’est généralement la projection conique de Lambert.)
L’altimétrie ou le relief sur la carte
La carte représente les principales figures rencontrées dans les reliefs: ligne de faîte, mamelon, croupe, thalweg, col, etc..
• La méthode de l’ombrage.
Déployez votre carte au sol et regardez-la de haut : le paysage vous apparaît comme vu d’avion.
C’est grâce au procédé de l’ombrage. C’est-à-dire que le cartographe a dessiné le paysage tel que le verrait un oiseau, par éclairage rasant du Nord-Ouest (c’est-à-dire du coin en haut à gauche de la carte), ce qui, soit dit en passant, n’arrive jamais. Plus le gris de l’ombre est fort, plus le relief est accidenté. Ce procédé fait apparaître de manière merveilleusement claire l’organisation générale du relief.
• La méthode des courbes de niveau.
Le si joli procédé de l’ombrage n’est malgré tout pas suffisant pour donner une description très précise du relief. Pour cela, on utilise les courbes de niveau. Ce sont les lignes de couleur marron ou rougeâtre, selon les éditeurs, qui tracent sur la carte des arabesques plus ou moins serrées.
Les courbes de niveau relient entre eux les points situés à la même altitude. C’est donc comme si le relief se trouvait régulièrement coupé en tranches horizontales. Plus les courbes sont serrées, plus la pente est forte ; plus les courbes sont éloignées entre elles, moins le relief est important. Selon l’échelle de la carte et la région donnée, l’épaisseur de ces tranches varie. Elle est caractérisée par l’expression « équidistance des courbes », donnée qui est indiquée dans la cartouche d’interprétation de la carte. Ainsi, sur une carte IGN au 1:25.000, l’équidistance des courbes est de 5 m en région peu accidentée, et de 10 m en montagne.
* La méthode des arêtes de poisson.
Si vous utilisez une carte ancienne – à l’étranger, cela arrive -, peut-être verrez-vous le relief mentionné par des hachures dites » en arêtes de poisson « . Ce mode de représentation du relief se comprend aisément, mais est très fatigant à lire. Comme pour l’ombrage, donc, plus le dessin est sombre, et plus le relief est accidenté.
Conserver les cartes
Une carte devrait être conservée à plat et dépliée.
Si l’espace dont on dispose est insuffisant, le mieux est de les rouler.
Mais le format s’en révélant souvent trop grand, on est souvent contraint de les plier ; du reste, dans l’utilisation pratique on plie les cartes — souvent au-delà du pliage d’origine.
De ce fait, il se produit une usure rapide aux plis et il devient le nécessaire de les renforcer à ces endroits.
L’utilisation du ruban adhésif plastique est un « dépannage » momentané, rapidement son vieillissement rendra la carte inutilisable.
On peut revêtir les cartes d’un produit plastique. C’est une excellente solution mais qui proscrit toute écriture sur la carte.
Si l’on a à écrire, tracer sur une carte, ne pas utiliser de pointe » BIC « , ni même un crayon à mine dure, soyez tendre avec vos cartes, elles vous le rendrons en durée.
Pour coller deux parties de carte ou de deux cartes, commencer par le milieu des deux feuilles mises en contact en allant vers les bords. Ceci évite les déformations aux points de jonction
Alain Roualland
Notre prochain article : Ne perdez pas le Nord.
SOURCES IGN © IGN http://www.ign.fr