Un Range-Rover diesel VM 6 cylindres pour le Rallye Raid
Habitant dans le Vaucluse, JR Peyre est passionné par les Range Rover. Nous l’avons rencontré une première fois à l’occasion d’un mini rassemblement Land dans les environs de Maubec. Il y était venu avec un 4×4 assez extraordinaire, en l’occurrence, un Range VM 6 cylindres des années 80. Ce soir là il nous a raconté une belle histoire. Nous préférons lui laisser la parole comme les écrits.
Au début des années 80, un certain Bernard Fourest, mécanicien de la concession Land Rover de Pertuis dans le Vaucluse, et son employeur et ami Jean-Louis Staïano, se lancent dans le montage du moteur italien « VM Motori » sous le capot des fameux Range Rover alors dotés d’un moteur V8 de la marque anglaise. Cela se passe donc bien avant la sortie des modèles « officiels » dotés du moteur VM 4 cylindres Turbo Diesel de 2,4 L, puis 2,5 L.
Bernard Fourest et Jean-Louis Staïano avaient obtenu une lettre d’homologation de Land Rover (British Leyland, à l’époque…) pour installer le VM 6 cylindres de 3,6 L sans avoir besoin d’une réception à titre isolé. Recevant alors au garage des Ranges neufs sans mécanique, ils les équipaient et les vendaient « clefs en main », non sans avoir effectué les quelques modifications nécessaires pour l’implantation de ce moteur diesel : découpe de la traverse avant, carter « sur-mesure », embrayage spécifique fabriqué par Ferrodo en petite série, ainsi qu’un radiateur spécial fabriqué à Cavaillon par les Etablissements Vallat. Le moteur était refroidi par deux gros ventilateurs électriques dans la calandre ( le ventilateur mécanique entraîné par courroie n’ayant plus sa place…), sans oublier bien sûr, un système de préchauffage et de sur-calage manuel par tirette pour le démarrage du moteur diesel. Enfin, ainsi une ligne d’échappement spécifique avait été adaptée. Bernard Fourest et Jean-Louis Staïano effectuaient également à la demande la transformation de Range V8 plus anciens. Les premier modèles avaient donc une caisse avec la calandre à barres verticales et le hayon arrière à ouverture par manette extérieure. Ces Range Rover étaient dotés d’origine de la boîte LT95 à 4 rapports et transfert incorporé, avec blocage pneumatique du différentiel. Par la suite, les VM6 ont été pourvus de l’ensemble LT77 et LT230 comme leurs homologues V8 et, avec l’apparition des Ranges 2,4L à la fin des années 80, ils ont pu recevoir une caisse diesel déjà prête.
C’est ainsi que plus d’une cinquantaine de Range Rover à moteur VM6 ont été fabriqués, jusqu’à ce que Bernard Fourest décède accidentellement au volant de sa nouvelle création promise à un bel avenir : une 205 GTI équipée d’un moteur diesel VM de 2,4 L boosté à 140 CV. Mais ceci est une autre histoire… Revenons à ce fameux Range VM6. Parmi la cinquantaine figurait un exemplaire spécialement préparé pour le Rallye Raid.
La préparation « Rallye-Raid ».
La première étape rendue nécessaire par la spécificité du VM6, a été d’en fiabiliser le refroidissement. Il se montrait déjà difficile sur le 4 cylindres, l’ajout de 2 cylindres supplémentaires avec l’augmentation de puissance liée et l’espace réduit sous le capot, n’a pas arrangé les choses…
La préparation-moteur.
Le VM 6 monté sur le Range en 82 était une extension du 4 cylindres 2,4 L.
Il en avait hérité des mêmes défauts de refroidissement, aggravés par le manque de place. De plus pour une préparation Rallye, l’absence des périphériques importants tels l’intercooler ou le radiateur d’huile sur certaines transformations, se faisaient sentir. Par ailleurs, sur les transformation pour la clientèle, il était doté d’un calorstat dans un boîtier cuivre extérieur « maison » et du petit réservoir d’expansion du V8.
Le radiateur d’origine fait sur-mesure était d’excellente qualité, mais étant situé trop près du moteur, il avait un rendement trop faible. Et en absence de ventilateur permanent, les deux ventilateurs électriques se révélaient insuffisants si on laissait la température du moteur monter trop vite (en côte par exemple). D’autant plus que le montage « nordiste » – et d’origine Land Rover ! – du circuit du radiateur de chauffage de l’habitacle (sortie culasse arrière et retour direct dans pompe, en permanence), s’il était efficace pour protéger le moteur et les passagers du froid (!), était catastrophique pour une utilisation africaine ou même simplement méditerranéenne…
Mais par ailleurs, les qualités de ce moteur étaient là : couple important très bas, bonne montée en régime et puissance confortable, 150 CV à plus de 4000 tr/min (168 avec intercooler et radiateur d’huile). Bien aidé en cela par un gros turbo KKK, une ligne d’échappement d’un bon diamètre, et une pompe Bosh VE très fiable.
L’amélioration du refroidissement.
La première modification importante a été d’avancer le radiateur dans la calandre grâce à la découpe de celle-ci, et grâce à une hauteur de caisse supplémentaire due au body-lift. Ce montage a permis de conserver les deux ventilos électriques, mais surtout d’ajouter un ventilateur permanent en bout d’axe de pompe à eau.
L’ancien radiateur trop large a été ainsi remplacé par un radiateur de Def 90 débarrassé de son radiateur d’huile interne, modification exécutée par les Ets Vallat comme pour son prédécesseur…
Le calorstat et le vase d’expansion ont aussi été remplacés par des modèles plus efficaces issus du moteur VM 2,5 L.
La deuxième modification importante concerne le circuit du chauffage de l’habitacle. La sortie arrière vers le radiateur de chauffage est alors dévié vers l’entrée du radiateur principal à travers une vanne quart-de-tour commandée par tirette depuis le tableau de bord. Et pour en améliorer encore l’efficacité, une petite pompe électrique (turbo de Porsche 944…) est chargée d’établir la circulation forcée à travers cette durite de déviation, augmentant ainsi le débit de la pompe mécanique du moteur. Elle est commandée par la sonde des ventilos électriques située en sortie du radiateur principal, mais aussi manuellement par un interrupteur 3 positions au tableau de bord (Auto/Stop/Manuel) et protégée par un contact fin-de-course sur la vanne ¼ de tour. Enfin, un inter. général commande également l’ensemble.
Amélioration du rendement.
Autant pour le surcroît de puissance que pour en parfaire le refroidissement, il a été indispensable de monter un intercooler de bonne taille. Il ainsi fallut déplacer le filtre à air, découper une prise d’air sur le capot et concevoir un support adapté.
Ce support sert également à la fixation d’un petit ventilateur sous l’intercooler qui est mis en marche avec les autres ventilateurs en cas de chauffe ou préventivement en vue d’un obstacle demandant de la puissance à basse vitesse (passage de dunes en courtes par exemple), avec ainsi une forte diminution de la température de l’air admis dans les culasses.
Avec cet équipement, il a été possible de permettre à la pression de sortie du turbo de monter jusqu’à 1,2 bar (mesurée à l’entrée de l’intercooler), sous la surveillance d’un mano. au tableau de bord, et de « Roryser » fortement la pompe à injection.
Enfin, les 6 culasses ont été changées au profit de culasses renforcées récentes et les injecteurs ont été tarés à 175 bars, soit 25 de plus que sur le 2,4 L.
Ainsi dans cette configuration, la puissance maxi devrait se situer aux alentours de 180 CV, avec un couple maxi maintenu au niveau des 400 Nm.
Des périphériques adaptés.
Toujours dans l’optique d’un fonctionnement optimal, les périphériques moteurs ont également fait l’objet d’attentions particulières.
Pour l’admission, un filtre KN lavable remplace celui d’origine et un décanteur est ajouté dans le circuit de ré-aspiration des vapeurs d’huile moteur pour éviter un trop rapide colmatage.
Un schnorkel avec tête cyclonique style « Donaldson » positionné au niveau du toit assure l’étanchéité à l’eau et à la poussière.
Pour l’échappement, une ligne inox sur-mesure a été installée, comportant une tresse inox de jonction en sortie turbo et un pot de détente « mitraillette », ainsi qu’une sortie latérale dans l’aile arrière, protection anti-noyade oblige…
Pour terminer, une importante correction du montage d’origine a été effectuée sur les silent-blocks du moteur. En effet, ceux-ci étaient ceux du V8, seuls acceptés par les supports sans modifications importantes du châssis. Or le VM6 en fonte est beaucoup plus lourd que le V8 en alu et possède un porte-à-faux plus important : ces silent-blocks sont trop sollicités en rallye-raid sur les pistes cassantes et les jumps et ils cèdent régulièrement, avec le risque de voir le carter se poser sur le pont (ce qui est déjà arrivé, heureusement sans graves conséquences). Ils ont donc été remplacés par des modèles « métal » beaucoup plus solides (toujours pour le V8 d’ailleurs…) de chez QT Services.
Préparation-transmission : boîte et ponts.
Boîte de vitesse et de transfert.
La LT95 d’origine à 4 vitesses et transfert incorporé, bien que très solide, a été très vite remplacée à cause de ses deux défauts bien connus : un mauvais étagement avec un « trou » important entre la 3 et la 4, et un blocage pneumatique qui vieilli très mal et devient inutilisable à cause des fuites d’air, rendant du coup l’assistance au freinage moins performante lors de tentatives de blocage du différentiel…
A sa place a donc été installé un ensemble « classique » : boîte manuelle 5 rapports LT77 et boîte de transfert LT230.
Pour la LT77, il a fallut néanmoins un peu modifier la cloche d’embrayage ainsi que l’arbre de transmission avant. Les deux leviers ont été également rallongés pour tenir compte du body-lift.
Pour la LT230, si aucune modification n’était prévue au départ, son renforcement a été effectué suite a une casse du différentiel. Ainsi, c’est d’abord l’accroissement de la capacité d’huile et son meilleur refroidissement, obtenu par la pose d’un carter-alu spécifique en provenance de chez Ashcroft. Puis c’est le remplacement des axes du différentiel central par un modèle renforcé, également en provenance du même fournisseur.
Embrayage renforcé.
L’embrayage d’origine de la transformation était constitué d’un mécanisme de V8 et d’un disque renforcé fabriqué spécialement sur mesure par Ferrodo en petite série.
Cette pièce est aujourd’hui introuvable et en remplacement, un mécanisme et un disque de VM 2,5 L ont été installés.
Mais pour un usage intensif, cet ensemble est un peu « juste » vu le couple et la puissance à faire passer (50% en plus !). Et lors d’un franchissement abrupt ou d’un démarrage en forte pente, il vaut mieux utiliser plutôt les vitesses courtes que l’embrayage, qui a alors tendance à ne pas coller assez vite et à chauffer.
Il est donc prévu de monter un disque d’embrayage en métal fritté avec son mécanisme renforcé.
Arbres de transmission et demi-arbres de roues.
Pour compenser la rehausse du châssis, les arbres de transmission doivent être rallongés : c’est le cas avec une entretoise en alu de chez Britpart qui rajoute 1,5 cm de plus sur chaque arbre au niveau des nez de pont.
Par contre, il n’a pas été nécessaire de monter des arbres « grand-angle », un léger alésage des bords des supports de croisillons a suffit pour donner la marge voulue d’inclinaison.
Ponts avant et arrière.
Avec son seul blocage central, le Range est très sensible aux croisements de ponts et aux larges surfaces glissantes. La correction par rehausse et augmentation des débattements est une solution aux croisements de ponts, mais au détriment de la tenue de route. Seule l’installation de blocages de différentiel de pont permet d’apporter une réponse satisfaisante aux besoins de franchissement et de tenue de route en rallye-raid.
Pour le pont avant, c’est le système à glissement limité « Detroit-Truetrac » de chez Tratech qui s’impose pour garder un rayon de braquage normal et une manœuvrabilité optimale. Son automatisme est aussi un gage de facilité d’utilisation tout en garantissant une efficacité minimale toujours présente.
Pour le pont arrière, l’arme absolue est le « Detroit-Locker« , du même fournisseur, qui est en fait un auto-débloquant. Ce système – qui ressemble à une roue-libre de vélo – désaccouple la roue qui veut tourner la plus vite des deux, réduisant au minimum le patinage et les reprises d’adhérence qui en résultent : les arbres sont donc mieux protégés sans avoir besoin de trop les renforcer, et là aussi son automatisme fait merveille en conduite « à vue ».
Mais il faut aussi souligner son influence sur le comportement du véhicule en virage : avec la seule roue intérieure arrière motrice, on pilote à l’accélérateur dans les courbes et le Range acquiert une maniabilité étonnante sur pistes rapides, digne des R8G et autres NSU TTS d’antan…
Les suspensions et la rehausse.
Rehausse et body-lift.
D’origine lors de sa transformation, le RR VM6 a été doté de ressorts renforcés (des Eibach rouges) pour tenir compte du sur-poids du moteur et de son porte-à-faux. La rehausse ainsi obtenue est de 2 à 3 cm, mais n’est pas suffisante pour le franchissement et la piste, en particulier lors de la réception de « jumps » un peu appuyés…
Ainsi, après que la boule du pont avant soit venue marquer le carter moteur, des cales-alu de 3 cm ont été rajoutées aux chapelles avant, tandis que l’arrière était lui aussi rehaussé de 3 cm par des cales aciers, soudées aux coupelles du pont pour conserver l’équilibre avant-arrière ; le tout étant complété par des butées de châssis de plus grande taille en polyuréthane orange.
Quant au body-lift, il a été rendu nécessaire pour deux raisons : la première est classiquement celle de l’accueil des pneus en 265×70 sur jantes déportées, dans les passages de roues, lors de franchissements ; la deuxième est due à l’avancée du radiateur dans la calandre, pour l’amélioration du refroidissement, qui n’était pas possible sans une hauteur supplémentaire, avec en outre un meilleur flux d’air autour du moteur. Sans compter également une plus grande place sous le capot pour certains accessoires comme l’intercooler ou le compresseur.
La caisse à donc été surélevée d’une hauteur de 3 cm par l’adjonction de cales acier sur chacun des supports, nécessitant bien sur des boulons de fixation de plus grande longueur.
Cette rehausse est complétée par la pose de tirants de pont également rallongés et coudés pour garder le positionnement horizontal du train arrière. Et il a fallut aussi remplacer la rotule d’origine du A-frame par une rotule de style Uniball, ayant un plus grand angle de débattement, de chez QT Services. Du coup, le compensateur de charge dynamique à été supprimé, allégeant ainsi le train arrière sans gêner ni l’amortissement ni les débattements.
Par contre, les bras de poussée du train avant n’ont pas été changés : sans la classique correction de « 3° castor », le train avant reste à la fois très stable en appuis dans les grandes courbes, grâce au léger carrossage négatif obtenu, et très vif et précis en virages serrés, par la diminution de l’angle de chasse.
Enfin et très classiquement, cette rehausse a imposé les modifications des leviers de la boîte de vitesse et du transfert qui ont du être rallongés, ainsi que des durites de frein avant et arrières, remplacées avantageusement par des Goodrige « aviation » de longueur plus importante.
Par contre, la colonne de direction est restée d’origine, mais a nécessité un réglage des fixations « dents de souris » pour ne pas trop en déformer le flector.
Doublage des amortisseurs.
Eléments essentiels de la tenue de route, d’autant plus importants en tout-terrain, les amortisseurs choisis sont les Procomp ES 9000. Ce sont des amortisseurs bi-tubes huile-gaz qui, en dehors d’un rapport qualité/prix inégalé, ont la particularité d’être à la fois très souples en franchissement et à basse vitesse, et de se durcir efficacement lorsque l’on hausse le rythme sur piste rapide, grâce à un réglage dynamique interne.
Ils souffrent malgré tout d’un défaut sensible d’amortissement au dessous de 50 à 60 km/h sur piste inégale, ce qui est assez inconfortable et les fait traiter de « pompes à vélos » par ceux qui ne dépassent jamais cette vitesse…
La solution retenue a donc été d’une part de doubler leur nombre, mais d’autre part de mettre des amortisseurs de deux longueurs différentes à chaque roue, afin qu’ils travaillent chacun en complément : on a alors un amortisseur +2″ couplé à un amortisseur standard, le plus court étant toujours du côté le plus proche de l’axe de basculement du pont (vers l’arrière à l’avant et vers l’avant à l’arrière).
Ainsi à l’avant, une chapelle à potence de moindre hauteur accueille l’amortisseur standard normalement fixé à l’intérieur du ressort et travaillant à sa bonne longueur, tandis que la potence, elle, est modifiée et renforcée pour la pose d’un amortisseur +2″ en avant du ressort, avec une fixation inférieure décalée et classiquement boulonnée au silent-block du bras de poussée et au pont.
A l’arrière, la fixation supérieure d’origine a été posée en position raccourcie sur une platine « mount dropper » pour recevoir l’amortisseur standard, tandis que le plus long était monté avec une fixation « normale » dans les trous d’origine du châssis, correspondants au montage « décalé gauche-droite des premiers Ranges V8.
Quant à la fixation inférieure, c’est là aussi la pose classique par soudage d’une deuxième patte d’origine, symétrique à la première, et légèrement modifiée pour respecter l’angle de l’amortisseur.
Ainsi équipé, le Range devient complètement homogène pour tous les rythmes de conduite, et offre un confort étonnant aussi bien sur la « tôle ondulée » que dans les compressions ou les réceptions de jumps.
Les trains roulants.
Elargisseurs de voie +3cm aluminium.
Jantes Triangular déportées + BFG TA-KO 265/70/16 (sable) ou BFG Mud 245/75/16 (boue).
Disques de freins rainurés percés sur les 4 roues, ventilés avec plaquettes carbone-Kevlar à l’avant.
Durites de frein aviation Goodrige.
Ensuite, la préparation reprend le « classique du genre » : installation des éléments de sécurité obligatoires en rallye-raid : arceau, baquets, harnais, rack pour 2 roues de secours. Sans oublier aussi des spécificités telles qu’un compresseur avec réserve d’air et un ou deux réservoirs de GO supplémentaires.
L’habitacle a été divisé en deux parties distinctes avec une grille séparatrice située derrière les sièges. Pour finir, l’instrumentation de bord a été complété avec différents indicateurs de contrôle, pression turbo, température… et les appareils de navigation incontournables, trip gps et radio Cibi.
Malgré son âge le Range Rover participe toujours à diverses compétitions. Ainsi en 2011, il était inscrit sur à la trans Africaine, puis à la trans land, à la Rose des sables aux mains d’un équipage féminin et enfin au Mhamidexpress
Photos des Rallyes : collection personnelle de J.R PEYRE