Une 205 rallye raid sur la première édition du rallye raid Pionniers Classic qui a eu lieu en septembre 2023. La course a rempli toutes ses promesses et a permis aux pilotes auto et moto de parcourir 2000 km de spéciales à travers le sud marocain. Réservé aux véhicules historique le Pionnier Classic avait un joli plateau de concurrents. On a pu voir, par exemple, des Toyota HDJ 80, un Mitsubishi Pajero, un buggy Cotel, un joli Range Rover aux couleurs de VSD (hommage à René Metge qui vient de nous quitter récemment), une curieuse Renault Fuego 4×4 et cette étonnante Peugeot 205 rallye raid. J’avoue qu’elle m’a dès le début tapé dans l’oeil. Découvrons là ensemble.
Passion Peugeot 205 et rallye
Alors que les différents équipages ne commencent la course, c’est le temps des vérifications techniques pour les véhicules, pour vérifier les casques et combinaisons ainsi que tous les éléments de sécurité.
C’est là que je découvre cette 205. Je jette un coup d’oeil dessus et je me rend compte qu’elle est en deux roues motrices. Et évidemment en traction. Là j’avoue que je commence à me demander comment un tel véhicule va pouvoir affronter 2000 km de pistes, de zones sablonneuses et de caillasses. Sur le papier ça n’est pas gagné du tout de voir la petite 205 au départ chaque jour. Je me pose des questions.
Puis en regardant de plus près la préparation de la 205 petit à petit je me rend compte qu’on est très loin d’une simple prépa faite rapidement et bâclée. De petits détails m’interpellent. La qualité des soudures de l’arceau, le côté épuré et dépouillé qui est propre a une vraie voiture de course. C’est bien fait, c’est bien fini, c’est super propre et ce, jusque dans les moindres détails.
A ce moment je commence à me dire que même si c’est seulement une deux roues motrices, cet engin va surement me surprendre.
Un peu plus tard je rencontre l’équipage. L’accent chantant du sud, l’oeil vif, l’un avec une carrure de rugbyman, l’autre avec un large sourire, voici Aurélien et Jeremy, deux frères venus taquiner les pistes marocaines pour leur première course de rallye raid.
Aurélien 39 ans, l’ainé, travaille dans l’aérospatiale, Jeremie 38 ans est quant à lui responsable carrosserie.
Je commence à leur faire part de mes petits avis sur la voiture, les finitions, etc et Aurélien devient à la fois curieux que je regarde des détails, que personne en général ne note, et m’explique un peu comment ils sont arrivés là.
Les deux frères sont passionnés de mécanique et ce depuis leur plus jeune âge. Jérémy est plus orienté moto et Trail et il a fait ses premières armes sur des mobylettes. Aurélien lui est plus attiré par les véhicules à 4 roues. A 8 ans, il commence à bricoler sur une Sima 1000. A 13 ans il a sa première voiture et à 17 une Alpine Turbo. Les frangins participent aussi à des compétition de RC. Il adore la mise et le circuit, qu’il a commencé quand il fait 21 ans, mais m’avoue que là où il prend le plus de plaisir c’est de construire des voitures d’exception. Il est capable de passer ainsi plus de temps à créer, imaginer et travailler sur un projet de voiture que de rouler. Dans ses mains ont défilés une super GT Turbo circuit, une Clio II Cup, un proto buggy Coccinelle et un peu comme un trophée un Combi Volkswagen (modèle très rare avec deux portes latérales) qui a été primé trois fois en Europe, un exceptionnel showcar sur lequel il a passé plus de 4500 h de boulot. Cet engin incroyable a fait le tour de la planète de fans VW. Il travaille aussi pour construire d’autres autos de compétition mais toujours dans une logique de plaisir et de défis. Pour lui pas question de changer de boulot, l’automobile doit rester dans le cadre du loisir et de la passion.
Quelque une de ses réalisations
Avec une ancienne 205 Aurélien avait déjà participé à des raids réservés aux 205, mais de vrai rallye raid point encore. Quand ils ont découvert le Pionniers Classic, le pari est lancé. Il va falloir respecter un timing serré et arriver au Maroc avec un véhicule bien préparé et affûté. Il y aurait été possible de partir sur différentes bases de voiture classiques mais c’est vers une mythique 205 que se portera le choix.
Bonne idée car la cote d’amour de cette voiture est très forte et elle a mérité sa réputation lors du rallye. Quel challenge de partir ainsi en deux roues motrices et en traction pour plus de 2000 km. de pistes difficiles. Le challenge est remporté par les deux frères qui n’ont rien lâché de toute la course.
Je repense à un moment bien particulier, la montée d’une passe sablonneuse au beau milieu d’une falaise particulièrement raide et parsemée de rochers. A la première tentative la 205 s’essouffle et n’arrive pas à atteindre le sommet. La seconde sera la bonne, Aurélien laisse son copilote pour alléger la voiture, il change de trajectoire, il s’élance, accélère, la 205 grimpe le premier tiers de la pente, puis sur sa lancée franchit la suite, le haut de la montée est en vue mais c’est le passage le plus difficile car déjà labouré par les véhicules précédent. L’organisation avait déjà sorti un câble de treuil et se tenait prête à dépanner notre Peugeot. Mais pas besoin, la 205 avance toujours, passe la crête et s’arrête quelques mètres plus tard sous les hourras des personnes présentes. A ce moment je vois un large sourire sur le visage d’Aurélien, les deux frères laissent éclater leur joie, voilà un souvenir qui va rester graver pour longtemps. Les autres pilotes ainsi que toute la caravane de la course suivaient de près les aventures de la 205 et les applaudissements à l’arrivée au dernier jour ont bien récompensé nos deux amis.
Quand je demande à Aurélien ce qu’il a retenu principalement sur cette aventure, il me répond d’abord la joie d’avoir partagé cela avec son frère, puis le plaisir d’avoir roulé dans une voiture mythique et enfin le plaisir d’avoir conduit sur 2000 km en spéciale, car retenez le bien, le Pionnier Classic est une vraie course de rallye raid ! D’ailleurs Aurélien me confie que pour un premier rallye raid, il a été enchanté par les paysages, que le tracé était vraiment magnifique et que l’ambiance était exceptionnelle.
Pour une première compétition de ce genre, c’était génial même si je n’avais pas de repères de comparaison. La course au quotidien s’est bien passée. On avait un ami mécano avec nous il a été excellent, on avait une bonne entente, on s’était bien préparé physiquement, la voiture a bien marché. le deuxième jour on tape une pierre on répare et ensuite plus de soucis jusqu’au passage d’un oued le dernier jour à moins de 10 km de l’arrivée où le moteur a bu la tasse. Nous avons malgré fini et passé la ligne d’arrivée.
Préparation 205 rallye raid
Une fois l’idée lancée, il faut trouver une 205 c’est rapidement fait avec une 205 Junior achetée 150 €.
Note : le budget total de la préparation est de 19500 € voiture sur la remorque (avec les roues de secours , plaques à sable, etc)
Une fois à l’atelier les choses sérieuses vont commencer. Mais Aurélien avait déjà préparé une première 205 façon rallye, avec un moteur 1600, cette fois ci ça sera un plus gros moteur.
Le but est de faire une voiture légère, très légère, avec de la puissance et capable d’affronter les pistes du road book, ce qui veut dire avoir un peu plus de garde au sol que l’originale.
On va donc découper la partie basse de la caisse et la remonter entre 5 et 8 cm selon les zones. On ressoude le tout et le tour est joué, alors évidemment comme ça sur le papier ça parait simple mais de nombreuses heures dans la garage ont été nécessaires. Pour informations, la conception et la fabrication de la voiture ont pris 22 mois, même si je pense qu’il n’y avait pas que ça dans l’atelier.
Le réservoir reste d’origine mais remonte lui aussi, il est protégé par une plaque de kevlar. En plus en rajoutant des roues plus grosses (205/70/15 sur des jantes Oz Sparco au lieu des roulettes d’origine en 155/65/13) on va bien gagner en garde au sol.
Comme la voiture est à nue, c’est l’occasion de concevoir un arceau 8 points. Il est fait maison comme d’ailleurs la totalité de ce qui a été fait sur cette 205. L’arceau est homologué FIA. La voiture peut par exemple faire un Dakar Classic.
Question moteur et boite, on puise dans ce qui existe chez Peugeot. Un 2.0 l 16 soupapes de 206 RC fera parfaitement l’affaire. Avant de le mettre en place il sera révisé de A à Z. Il va bénéficier d’une cartographie maison via un ECU e-race. Le faisceau est simplifié à l’extrême, on gagne plus de 10 kg de poids, tout ce qui est fusibles et relais est accessible facilement. Il développe 182 ch pour 23 m kg. Aurélien n’a pas cherché a avoir plus de puissance car c’est amplement suffisant pour une voiture qui pèse au total 862 kg !!!
note : le rapport poids puissance est de 4.73 kg/ch, pour info une Ferrari 348 Tb est à 4.72 et une Lotus Exige 192 ch est au même rapport.
La boite de vitesse vient aussi d’une 206, elle est dotée de couples courts et on a rajouté un autobloquant Quaife afin de garantir une bonne motricité.
Les freins viennent quant à eux d’une 306 S16 avec des disques rainurés percés et des plaquettes compétition carbone Lorraine. Le circuit hydraulique est passé en durites aviation et un répartiteur de freinage avant arrière est logé entre les deux sièges baquets.
Là aussi on voit le soucis de rester au plus proche de l’origine et d’utiliser un maximum de pièces d’origine.
Côté trains roulants Aurélien a évidemment renforcé l’avant et l’arrière.
Par contre on va évidement changer la suspension. Aurélien travaille avec une société des Cahors : Soben. Les amortisseurs à bonbonnes séparées ont été construits et conçus en fonction de la voiture. Le valving est fait sur mesure. On peut les régler en compression et en détente. Les supports d’amortisseurs ont aussi été renforcés pour éviter tout risque de rupture. La course à la roue peut paraitre minime avec ses 17 cm mais difficile de faire mieux sur une 205 et cela a été performant, comme j’ai pu le constater au quotidien lors des survols en hélico de la petite Peugeot, elle marche fort, son comportement est sain et j’avoue quelle m’a bluffée.
Pour partir à la chasse au poids superflu, la carrosserie va être allégée au maximum avec : capot, hayon, pare chocs avant et arrière, tableau de bord, panneaux de portes en fibre (en collaboration avec un voisin qui sait faire du composite). Les extensions d’ailes façon 205 rallye sont faites maison, notez qu’elles sont plus larges et que leur conception a demandé beaucoup de travail. Il a fallu découper les ailes pour passer les pneus, mais , une fois les extensions rajoutées, la finition est parfaite. Des vis M4 sont utilisées à la place de plus grosses M6 quand on peut, on grignote les grammes par ci par là. La tige qui permet de relever le hayon n’est pas en acier mais en alu, je sais là vous allez vous dire que je regarde des détails très bizarres, mais au fil des ans c’est devenu une déformation professionnelle. Tous ces petits détails comptent et c’est aussi ce qui va faire de cette 205 une vraie voiture de course performante. Les vitres latérales et la vitre arrière sont toutes en plexi.
Un autre morceau de bravoure va être de rajouter un système de gonflage / dégonflage des roues embarquées. Là encore c’est fait maison avec un compresseur, Tmax des durites, des collecteurs tournants fixés sur les roues, des capteurs des boutons qui vont, via un afficheur, permettre de régler la pression des pneus depuis le tableau de bord.
Un dashboard de moto Kozo d’occasion a été installé sur le tableau de bord, c’est moins cher qu’un modèle voiture et ça fait très bien le travail, il permet d’afficher la température d’huile, d’eau, la vitesse et les tours
Côté sécurité on trouve deux baquets et des harnais 6 points de chez GT2I.
Le coffre contient deux roues de secours, un cric, des plaques à sable et quelques outils.
Pour le moment Aurélien ne repartira au volant sur une rallye mais comme copilote (je vous en reparlerai dans quelques mois, avec une super voiture!!!). Il y a aussi du circuit au programme mais ils n’est pas contre revenir dans quelques temps mais sur un autre projet. Par exemple un buggy deux roues motrices, mais en tout cas en historique mais aussi peut être même un engin entièrement fait maison. Connaissant le plaisir qu’Aurélien a à construire une voiture, peut être repartira t il vers ses amours Volkswagen, affaire à suivre.
